par Dr. Sébastien Goulard

Le Pakistan est lui aussi confronté à la crise du Covid-19 ; au 3 juillet 2020, le pays comptait près de 220 000 cas confirmés et plus de 4550 décès, et l’Organisation Mondiale de la Santé s’inquiète de l’évolution de situations dans ce pays au système hospitalier fragile.
Malgré la suggestion de l’OMS, le Pakistan a décidé de ne pas mettre en place un nouveau confinement. Un premier confinement avait été appliqué du 1er avril au 9 mai, mais c’est au mois de juin que le Covid-19 s’est propagé dans le pays. Pour le premier ministre Imran Khan un second confinement général aurait des conséquences économiques et sociales désastreuses, et déclarait : « Nous devons réaliser que le Pakistan est un pays pauvre et que nous n’avons pas d’autre choix que d’ouvrir le pays ». L’option retenue est celle d’un confinement limité aux foyers majeurs de l’épidémie, afin de ne pas immobiliser le pays.
Une économie durement affectée
Au début du mois de Juin, le gouvernement dévoilait ses prévisions de croissance pour l’année fiscale 2020-2021 à 2,3% alors que quelques jours auparavant, la Banque Mondiale, plus pessimiste, prévoyait une contraction de 0,2%. Mais l’évolution de la situation sanitaire dans le pays ainsi qu’à l’étranger pourrait faire revoir les perspectives de croissance.
D’autre part, le secteur agricole qui emploie près de 35 millions de travailleurs a été depuis juin 2019 très durement touché par des invasions de criquets qui ont menacé les récoltes. Le Pakistan cherche donc des solutions pour assurer l’emploi, éviter que sa population tombe dans la pauvreté et assurer la stabilité du pays.
La réponse du gouvernement pakistanais
Pour faire face à ce ralentissement économique, le gouvernement d’Imran Khan a choisi de mener une politique de privatisation (comme celles des aciéries), et de continuer à mener des réformes notamment pour respecter les objectifs définis par le Fond Monétaire International.
Au mois d’avril 2020, au début de la pandémie, le premier ministre annonçait un plan de relance du secteur de la construction qui suivait un autre paquet de 6,7 milliards de dollars pour combattre le coronavirus adopté fin mars 2020. Malgré le risque d’augmenter le déficit public, le Pakistan a fait le choix de réduire les taxes sur les entreprises afin de ne pas menacer leurs activités.
Le Pakistan compte aussi sur les investisseurs étrangers et notamment chinois pour permettre à l’économie pakistanaise de croître. La crise a réaffirmé la priorité donnée à la réalisation du Corridor Economique Chine Pakistan, pour soutenir l’économie pakistanaise.
Le CECP au temps du Covid-19
A la mi-juin, les autorités pakistanaises ont démenti le ralentissement de la mise en place du Corridor Economique Chine Pakistan et ont affirmé que ce programme était entré dans la phase 2. D’autre part, Abdul Hafeez Shaikh, conseiller auprès du Premier Ministre pour les finances, après s’être entretenu avec Yao Jing, l’Ambassadeur de Chine au Pakistan, a déclaré que le son pays allait prochainement adopter plusieurs réformes institutionnelles pour faciliter la mise en place du CECP.
Plusieurs projets ont commencé ou devraient commencer prochainement.
Le barrage de Diamer-Bhasha
Au mois de mai 2020, le gouvernement pakistanais a donné son accord pour la création d’une joint venture entre l’entreprise Frontier Works Organisation (FTO), appartenant à l’armée pakistanaise et l’entreprise chinoise China Power pour la construction de ce barrage.
Ce projet est relativement ancien puisqu’il a été évoqué pour la première fois en 1980, mais en raison de son coût élevé, la construction du barrage a pendant longtemps été retardée. Il faut attendre 2004 pour qu’un premier rapport de faisabilité soit publié.
La mise en place de cette joint-venture devrait accélérer la construction du barrage, qui devrait tout de même environ huit ans. Il s’agit en effet d’un barrage gigantesque, avec une hauteur de 272 mètres soit plus haut que le barrage des Trois Gorges en Chine (185 mètres). Sa capacité de production d’électricité devrait atteindre 4500 mégawatts, ce qui n’est pas négligeable pour un pays qui fait face à certains problèmes d’approvisionnement en électricité.
Ce projet de barrage pose aussi la question des relations avec l’Inde car il devrait être construite dans l’état de Gilgit-Baltistan, une région que l’Inde revendique, et pourrait donc rendre plus difficile le règlement des tensions au Cachemire.
Projet de modernisation de la ligne entre Peshawar et Karachi
Début juin, a été approuvé le projet de modernisation de la ligne reliant la ville de Peshawar à Karachi. D’une longueur de plus de 1800 km, la nouvelle ligne devrait permettre de passer de 110 à 160 km/h.
Cette ligne devrait être divisée en plusieurs sections :
- La première de 527 km reliera Peshawar à Lahore et sa construction devrait commencer en janvier 2020 et s’étaler sur 4 ans.
- Le second segment concerne la ligne entre Lahore et Hyderabad, et devrait être complété à la fin de l’année 2026.
- Enfin, le dernier segment de 740 km devrait relier la liaison Rawalpindi-Peshawar à Hyderabad-Multan.
Cette modernisation fait partie du grand projet ferroviaire visant à relier Kashgar dans la région chinoise du Xinjiang au nouveau port de Gwadar. Il s’agit d’un projet majeur dont le coût est estimé à 7,2 milliards de dollars.
La 2nde phase de la construction de l’aéroport de Gwadar
Au sud du pays, à Gwadar, les travaux du nouvel aéroport progressent. Au mois de mai 2020, la seconde phase du projet était inaugurée.
Cet aéroport, qui devrait être opérationnel dans les trois ans à venir, sera le second plus important du Pakistan après Karachi, et remplacera l’aéroport actuel. Avec un budget de 230 millions de dollars, il s’agit d’un projet majeur du CECP, et son succès dépendra en grande partie de la capacité de Gwadar à attirer des entreprises étrangères dans sa zone économique spéciale.
Après avoir achevé les travaux initiaux, la construction de la piste et des terminaux devrait commencer sous peu. Des infrastructures pour les habitants, écoles, hôpitaux sont aussi prévus.
Quel financement ?
Le développement du CECP est régulièrement critiqué en raison de son coût très élevé, estimé à plus de 60 milliards de dollars. Mais, la Chine et le Pakistan semblent prêts à renégocier les termes de leur partenariat, car il n’est évidemment pas dans l’intérêt de Beijing que le Pakistan connaisse une crise économique.
Ce corridor, en plus de renforcer les relations avec le voisin chinois, doit permettre au Pakistan de s’industrialiser plus rapidement. Le développement de zones économiques spéciales comme celles de Dhabeji au Sindh et Allama Iqbal au Penjab devraient accueillir des entreprises chinoises et étrangères. On pourrait assister à la délocalisation de certaines industries de Chine vers le Pakistan. Pour Islamabad, un des objectifs du CECP est de permettre la substituions aux importations ce qui améliorerait sa balance des paiements, et créerait des centaines de milliers de nouveaux emplois.
Vers une économie innovante ?
La crise du Covid-19 au Pakistan pourrait aussi accélérer la transition vers une économie plus innovante. Plusieurs économistes pakistanais encouragent les autorités du pays à soutenir davantage le secteur des nouvelles technologies dans le contexte de l’épidémie de Covid-19. L’e-santé, l’e-éducation ainsi que le commerce électronique devraient se développer rapidement. Le secteur des hautes technologies connait une forte croissance, et intéressent des géants du numérique comme le chinois Alibaba qui en 2018 a acquis la plateforme pakistanaise Daraz.
Au Pakistan, le CEPC n’est pas limité à la création d’infrastructure le développement de la route de la soie digitale peut aussi créer de nouvelles opportunités.
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